J’ai trouvé le chagrin
3 mai 2015 § 1 commentaire
Une femme attend un homme, un homme qu’elle appelle monsieur Bonnard, qu’elle aime et qui doit la peindre.
Cet homme ne vient pas, elle se déshabille.
Elle l’attend. Encore. Et encore…
Elle dit :
Monsieur Bonnard, on est en droit de se demander ce que vous branlez !
Elle prend un bain… Elle prend la pose.
Qu’est-ce qu’elle est belle ! Émouvante aussi, toute seule à attendre.
Il n’y a pas que les modèles qui attendent. Quelle femme n’a jamais connu ça ?
Joann Sfar, je lui en veux un peu quand même parce qu’à cause de lui, l’Ado n°1 croit que dessinateur de génie, c’est un métier. Et voilà que le musée d’Orsay lui propose de passer deux mois avec les œuvres de l’exposition Bonnard. Résultat, une expo à lui aussi – déjà finie, désolée mes cuicui – et cet album étonnant.
Sfar, il ne peut pas s’empêcher de raconter une histoire, l’histoire d’une femme qui attend un homme qui ne viendra pas.
C’est poignant, l’espièglerie, la gravité du modèle.
Il m’est arrivé ça. Je voulais jouer, rire, mettre des couleurs qui disent comme la peinture est du côté de la vie. (…) À force de me crever les yeux à regarder mon modèle, j’ai trouvé le chagrin.
Je l’appelle monsieur Bonnard, Joann Sfar, Éditions Hazan, 2015.
NB : le titre de ce billet est tiré du texte de Joann Sfar publié dans le catalogue de l’expo du musée d’Orsay. Il y narre sa relation au peintre et l’aventure de cette immersion dans son univers. Eh oui, en plus, Sfar il écrit bien.
Bonnard, Guy Cogeval et Isabelle Cahn, Musée d’Orsay & Hazan, 2015.
Et toujours : Pierre Bonnard, peindre l’Arcadie, au musée d’Orsay à Paris, jusqu’au 19 juillet 2015.
Chat cache-cache chez Bonnard
24 mars 2015 § 11 Commentaires
Je ne vous ai pas dit ? J’ai vu l’expo Bonnard. Miaou !
J’ai emmené l’Ado n°1, qui a trouvé ça waow. Sauf qu’il y avait trop de lumière pour ses mirettes. « Comme il fait déjà jour, » a-t-il constaté en clignant des yeux devant les tableaux.
Faut avouer que je l’ai tiré du lit avant l’heure réglementaire du lever à Adoland (13H), tout ça pour le traîner au musée d’Orsay. C’était chaud.
Figurez-vous que Bonnard avait prévu le coup : il a mis des chats partout. Des chats, des chiens, et même un perroquet ! (Il y avait aussi un monsieur en costume qui faisait les gros yeux à chaque fois que je gloussais.)
Nous avons donc brillamment surmonté l’épreuve de la visite avec ado en organisant une partie de chat-cache-cache endiablée. Le monsieur en costume a suivi l’opération d’un air furibond.
Évidemment j’ai vite gagné. Youplaboum. Comment ça, un perroquet ça compte pas pour dix chats ? Je fais ce que je veux, c’est moi qui ai inventé ce jeu je vous ferai dire.
Ça c’est gâté quand j’ai reconnu Fantômette, le chaton de ma copine Anne et que j’ai bondi de visiteur en visiteur pour propager cette fantastique nouvelle ! Lorsque j’ai atterri dans les bras du monsieur, il m’a flanquée à la porte. C’était le directeur de la sécurité.
L’ado a dit à son père qu’il n’irait plus jamais nulle part avec moi. M’en fous, j’ai gagné.
Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie. Foncez, c’est merveilleux.
Où ? Au musée d’Orsay.
Quand ? Jusqu’au 19 juillet 2015
Avec aussi le parcours-jeux organisé pour les enfants : Le paradis, c’est ici.
Pour les ados : Jours heureux. Et en famille : Voir la vie en couleurs.
Gustave Doré : l’imaginaire au pouvoir
9 mars 2014 § Poster un commentaire
Gustave Doré était un prodige ! Enfant surdoué et turbulent, à quinze ans il devient caricaturiste et subvient à dix-sept aux besoins de sa famille – installée dans une maison parisienne tout droit sortie d’un conte de fée. Autodidacte, il dessine, grave, sculpte et peint. Il plonge en littérature, réinvente Rabelais, Dante, Cervantez, Shakespeare, Hugo…
Ses fables de La Fontaine, ses contes de Perrault m’ont entrainée dans les forêts et les châteaux de mon enfance. Son monde merveilleux m’a offert des rêves – des cauchemars aussi. Et vous, souvenez vous… Il vous a pourvus, mes petits chats, de vos plus belles bottes, a campé l’ogre le plus terrible, le loup le plus inquiétant. Dans ses bois, ses brouillards et ses villes, Tim Burton, Roman Polanski, Terry Gillian s’aventurent encore. Et bien d’autres ! Ainsi cet hippogriffe, le reconnaîtrez vous ? Indice : aux dernières nouvelles, il survolait Poudlard.
L’exposition qui lui rend hommage au musée d’Orsay propose de petits inventaires filmés de ces illustres emprunteurs. Et à foison : peintures, gravures, sculptures, papier peint, carnets de dessins et même une lettre bilingue illustrée, découpée façon dentelle. Hip hip hip hourra pour le marquis de Carabas !
Gustave Doré : l’imaginaire au pouvoir, Musée d’Orsay, jusqu’au 11 mai – en bonus le clip de l’expo.
Pour se gustavedorer au sortir de l’exposition :
Ces Des-agréments d’un voyage d’agrément, réédité d’après l’édition de 1851. Le jeune Gustave Doré y explore l’art naissant de la BD, à travers le prisme de la satire. Ou le périple ébouriffé d’un couple de passementiers retraités, César et Vespasie Plumet, anti-héros partis à l’assaut des Alpes suisses, assistés du chien Azor et munis de vingt ans d’économie.
Des-agréments d’un voyage d’agrément, Gustave Doré, Éditions 2024, 2013
Et aussi, et aussi cet album époustouflant tout en gravures d’Albert Lemant, sorti à l’occasion de l’exposition… Où un petit Gustave, qui a décidément du mal à se lever pour aller à l’école, nous entraîne dans ses truculentes aventures en compagnie de Gargantua, du baron de Münchhausen, de don Quichotte ou du Chat botté, et d’une poule vert Véronèse qui n’est pas là par hasard.
Gustave dort, Albert Lemant, Musée d’Orsay / L’atelier du poisson soluble, 2014